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Amen à tout n’amène à rien. [Alphaeus]

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Caoimhe C. Perkins
Caoimhe C. Perkins

Amen à tout n’amène à rien | Feat Alphaeus Vail
Début Février 1690, cimetière de Warwick's Bay.




    Les traces de pas dans la neige se recouvrent petit à petit des lourds flocons qui tombent, qui les effaces. Le ciel est gris, nuageux, laisse tomber sur Warwick Bay une épaisse couche de neige comme il en tombe tous les jours depuis le début de décembre.

    Si l'on remonte un peu les traces dans la neige, l'on peut apercevoir entre les pierres qui sortent du sol, polies, lissées, recouvertes de neige à leur tour, cette petite silhouette fluette, habillée de bas en haut par son long chaperon remonté sur sa chevelure blonde et bien coiffée. Sa robe traîne derrière elle, comme d'habitude, mais elle n'en a cure ; errant ente les tombes des défunts, Caiomhe Charity Perkins cherche en vain quelque chose à se rattacher. Ce n'est pas rare pour elle d'adresser une prière, non pas à Dieu, mais à sa mère qui est sans doute à ses côtés. Elle n'a jamais vraiment pu se fier au Père Supérieur, ni comme repaire, ni comme guide, ni comme salut. Elle ne sait que trop bien que, malgré tous les efforts que font certaines personnes pour lui être le plus fidèle possible, ils finiront par s'en mordre les doigts. Caoimhe sait bien que son désintérêt profond pour la religion questionne, effraie et indigne, mais elle n'en a que faire ; elle va tous les dimanches à la messe, ne mange pas de viande le vendredi et va prier quand elle en sent le besoin. L'avantage de la prière, c'est que personne ne peut l'entendre. Personne ne peut savoir à qui elle s'adresse, et la demoiselle Perkins aime l'adresser à sa mère. Bientôt dix ans que celle-ci est partie, emportée par la fièvre jaune. Disent-ils.

    Un soupir passe les lèvres de la demoiselle à cette pensée. La messe est finie, elle a en vitesse échappé à la surveillance des serviteurs et de son père pour se rendre au cimetière derrière l'église. Les croix qui sortent de terre, des pierres gravées pour les plus riches, les sépultures pour les hauts classés ; l'on peut deviner la richesse d'une personne en voyant son tombeau. Sa mère avait une très jolie sépulture, ornée d'une sculpture de la vierge en pleurs, décorée de fleurs et de pierres sculptées à la main par des artisans. Cherry s'en souviendra sans doute toute sa vie ; et sans doute que ce sentiment de vide en y pensant ne s'estompera jamais. La mort de sa mère a été un tel choc qu'elle en a perdu toute foi et tout intérêt en ce qu'on lui enseignait. C'est probablement comme ça qu'elle en est venue à agir de la sorte, à faire preuve d'insolence envers ceux qui voudraient lui dicter sa conduite et ses intérêts. Et tout le monde veut lui dicter sa conduite et ses intérêts, c'est bien le problème.

    Aujourd'hui, si elle se promène dans cet endroit morbide, c'est surtout pour chercher une tombe précise. C'est bête, mais elle a bon espoir d'y voir celle de sa mère ; pourtant, aucune statue de la vierge à l'horizon. Juste ces mornes pierres décorées avec les moyens de Warwick Bay. De nouveau, un soupir passe ses lèvres. La tombe de son servant décédé pendant le voyage ; elle s'arrête devant, s'assied dans la poudreuse. Ernest. Il s'appelait juste Ernest. C'était le plus paniqué, et tristement, celui qui a insisté auprès de Mister Perkins pour venir. Sa mort n'a pas fait grand-chose à la jeune bourgeoise, mais il est bêtement l'un des seuls liens qu'elle pourrait potentiellement avoir avec sa mère.

    Traçant quelques formes aléatoires dans la neige du bout de son doigt ganté, elle aperçoit, du coin de l’œil, une silhouette foncée s'approcher.
10.01.17 17:23
Alphaeus Vail
Alphaeus Vail
LA MAIN DE DIEU
Le battant vint frapper sur le vase métallique retourné, dûment agité par le cordon sur lequel tirait un adepte, sonnant à la volée les cloches de Dieu en cette heure de prière. D’un regard fidèle, l’inquisiteur releva sa trombine pour apercevoir le beffroi à travers la lucarne, observant de ses yeux perçants le son vibrer et se propager sur la robe de bronze du dispositif. Bien qu’accords malhabiles et dissonants dans le paysage de Warwick, la pureté du timbre de ces notes toquées l’avait toujours fasciné sans qu’il ne sache trop pourquoi. D’un pas vif, presque mécanique, il rejoignit l’Eglise ; il gravit le large escalier et se présenta dans l’embrasure des portes en bois massif et s’arrêta un instant pour saluer d’une gracile courbette l’homme sur la croix, Joshua de Nazareth, fils de Dieu, celui qui avait péri et ressuscité au troisième jour, leur guide et leur salut. Il poursuivit sa route le long de l’allée centrale pour rejoindre les premiers rangs, s’installant tout devant comme il en avait l’habitude, au plus près du pasteur Gabriel.

Comme à son habitude, lorsque la messe fut dite il disparut rapidement dans la foule, s’échappant du lieu de prière pour gagner le cimetière qui s’étendait au dos de la structure de Dieu. D’une conscience mécanique, c’était en ce jour qu’il venait inévitablement rendre hommage à sa défunte épouse et qu’il honorait de fait le peu d’émotions positives qu’il restât en lui. Pour autant, c’était également sa façon de raviver sa colère et de ne jamais oublier ce qu’il s’était passé ce jour là. De se souvenir les flammes brûlant sa demeure et le sang dans lequel avait baigné sa femme. De se souvenir l’ardeur avec laquelle il avait juré vengeance des mois plus tard, et comment il s’était promis d’éradiquer toute menace magique de Warwick Bay. Comment il ferait payer à chaque sorcier son hérésie ; comment il combattrait le feu par le feu.

Aussi il s’agenouilla solennellement devant la pierre tombale de feu Felicity, s’enfonçant dans le manteau immaculé qu’offrait l’hiver à la terre, et lui adressa pensées et promesses muettes. Distrait par le craquement aussi distinct qu’étouffé de pas dans neige, il releva le museau et aperçut une fine silhouette en deçà, plus loin dans le cimetière, qu’il reconnut d’emblée malgré la distance et la brume. Il fronça les sourcils et se redressa prestement, balaya du revers de la main la mousse d’ivoire qui avait pris place sur son manteau obsidien, puis s’approcha à grand pas. L’homme se planta de toute sa hauteur devant la jeune femme et grinça des dents. « Cherry. » Il prononça son sobriquet comme une insulte, puis la toisa d’un regard noir. « Seule, j’imagine. A nouveau. » Cette façon qu’elle avait de n’être jamais accompagnée en les lieux les plus insolites avait le don de l’agaçer à un point défiant la raison. « Juste sous les yeux du Seigneur, qui plus est. » il remarqua avec dédain. « Que fais-tu ici ? »
23.01.17 14:29
Caoimhe C. Perkins
Caoimhe C. Perkins

Amen à tout n’amène à rien | Feat Alphaeus Vail
Début Février 1690, cimetière de Warwick's Bay.




    Et il ne lui faut même pas quelques secondes pour réaliser qui ose venir troubler sa tranquillité. La démarche, la lourdeur des pas - elle peut entendre le dédain qui gargouille dans le ventre de celui qui s'approche, si bien qu'elle devine en un instant les quelques sempiternels sermons avec lesquels il va finir de l'achever pour la journée - et cette intonation, ces lèvres qu'elle sent la condescendance relever comme l'on relève les bras d'un pantin, son surnom, celui par lequel beaucoup la connaisse et aussi par lequel elle préfère être appelée, par les gens qu'elle estime, du moins.
    Elle ne relève pas les yeux, ni même ne cille ou daigne lui offrir son attention un tiers de quart de seconde, lorsqu'il l'appelle ou commence à lui envoyer ces quelques dards dans la peau. Elle peut être agaçante, et elle le sait, mais lui, en plus d'être agaçant, est odieusement ennuyeux et irrespectueux envers elle. Ce qui a le don d'ennuyer encore plus la jeune bourgeoise.
    Plus maintenant. Sa voix est légère, mais volontairement insolente. Elle veut que cet homme comprenne qu'il la dérange et qu'il n'est clairement pas le bienvenu dans son espace vital.
    Mais, bien évidemment, sa première tentative ne porte aucun fruit, ni même une graine, dans l'esprit étriqué et abruti de l'adulte en face d'elle. Et voilà que "les yeux de Dieu" reviennent sur le tapis blanc que cet énergumène piétine sans aucun respect, de la même manière qu'il piétine et trouble la tranquillité de la demoiselle. Celle-ci se décide finalement de se relever, joignant ses mains désormais froides devant elle. Elle darde longuement l'inquisiteur, le toise de haut en bas, se retient même de hausser un sourcil, si bien que celui-ci tressaute légèrement. Hmr. Alphaeus Vail. De tous les hommes que Caoimhe a croisé dans sa vie, celui-ci fait partie des plus imbibés de dédain et d'irrespect à qui elle a un jour adressé la parole. Pourtant pas grossier ni vulgaire, il est juste terriblement agaçant. Plus elle s'en tient loin, mieux la jeune bourgeoise se porte.
    Et pour le coup, il est un peu trop proche d'elle.
    Vous êtes bien impoli, monsieur Vail, de m'adresser ainsi la parole sans y mettre une quelconque formule de politesse. Sans vouloir paraître grossière, je commence sincèrement à me poser des questions sur l'ancien emploi de votre mère. Avez-vous été élevé dans la rue pour m'apparaître aussi impoli ? Son ton est presque cordial, presque aimable. Elle se sentirai bien mieux si elle lui adressait ne serait-ce qu'un charmant sourire. Après tout, sourire ne rend-il pas plus heureux ? Hmr, remettre cet inquisiteur à sa place semble être une bien meilleure option pour embellir sa journée. Je suis ici, comme toute personne présente dans un cimetière, pour me recueillir sur la tombe de mon défunt servant.
    Elle a envie de faire demi-tour pour le laisser en plan, devant la tombe d'Ernest, mais s'en retiens férocement. Il mériterait presque qu'elle lui demande son bras pour marcher avec lui plus "cordialement" sous "les yeux de Dieu".
    Êtes vous ici pour évacuer votre frustration ou pour troubler le calme et la tranquillité de ceux qui en ont besoin auprès de leurs défunts ? L'un et l'autre vont de paire, me direz-vous, quand il s'agit de vous, monsieur Vail.
    Oh, elle ne passe plus par quatre-chemins pour exprimer son agacement quant à la présence de cet homme. Elle respecte peu de gens, de par son statut et la position de son père au sein de la ville, mais une chose est sûre, c'est que l'affranchi Whisper entre plus dans ses faveurs que l'insupportable inquisiteur venu lui adresser la parole. C'est fou comme la présence sournoise d'une seule personne peut vous ruiner une journée, n'est-ce pas ?
25.01.17 20:33
Alphaeus Vail
Alphaeus Vail
LA MAIN DE DIEU
Qu’elle l’agace, l’impertinence de sa jeunesse ; qu’il l’abhorre, l’audacieuse répartie qui la caractérise. Si ce n’était pour le respect de son rang, il l’aurait volontiers traînée par sa chevelure dans la neige boueuse jusque sur la place publique. Une fois là, dans son imaginaire délirant, il se figurait de l’attacher de façon inconvenante et de l’exhiber au village entier, puis une fois qu’il l’aurait dépouillé de tout son honneur et sa vertu, il la vendrait au plus offrant et au moins bien intentionné. Alors, lorsqu’il aurait été sûr d’avoir enchaîné ses années futures au plus lubrique mari qui soit, il aurait été enfin satisfait. Pardonnée, la petite peste. Oubliées, les humiliations subies.

Alphaeus cligna des yeux et chassa rapidement ces visions qui lui arrachaient presque un rictus teinté de plaisir malsain. La boutade vipérine qu’elle lui servait glissa de fait sûr lui comme lumière sur un miroir. Elle l’attaquait de front, d’un ton paradoxalement enjoué, manifestement agacée qu’il la surprenne ici, et il en retirait une complaisance démesurée. L’inquisiteur haussa les sourcils, comme on avise avec condescendance la bêtise d’un enfant. « Ta grossièreté manque d’originalité aujourd’hui, pour que tu t’en prennes à ma génitrice. » il grinça. Rôdeur, indiscret, il s’enquit de faire le tour de sa personne et dessina un cercle à pas prudents autour de celle dont le surnom était à la personnalité ce qu’était le principe d’égalité aux Etats-Unis d’Amérique ; une blague de mauvais goût. D’ailleurs, à quel esprit farceur était venu l’idée de lui attribuer le sobriquet de Cherry ? Ou peut-être la garce se l’était-elle attribué de son propre chef ? Oui, c’était bien possible ; ça lui ressemblait fortement.

Quoi qu’il en soit, il lui tournait autour comme un chasseur prend la mesure face à sa proie, ou plutôt, comme on engage un duel avec un dangereux adversaire. C’est qu’elle se laissait pas aisément déborder, la gamine. Alph’ cherchait quelque indice d’un méfait, comme un bouquin étrange qu’elle pourrait cacher dans son dos par exemple, ou encore des os fraichements déterrés pour quelque diabolique rituel. Cela ne l’aurait pas étonné, qu’elle vienne refaire sa boutique pour ses prétendus médicaments ici. L’autre inconsciente, elle continuait de lui discourir son plus cordial sarcasme, sans comprendre qu’au moindre faux pas, il la coincerait et la crucifierait sur la sainte-croix. « Garde ta salive, la jouvencelle. » Qu’est-ce qu’il en avait à cirer de son défunt serf, lorsqu’il pleurait encore l’assassinat de son âme-soeur ? Rien, pas une once de compassion ne subsistait dans son esprit malade. « Lorsque t’auras fini, je te raccompagne. » Qu’elle cherche à le congédier plus encore, et ce serait un délice pour lui de la reconduire jusqu’à résidence. Il s’arrêta de bouger, recula d’un pas pour se ranger à distance respectueuse de la noble progéniture du prince des ténèbres, et s’inclina galamment en se retenant de glousser. Pourtant, l’humour noir masquait les braises crépitante de sa colère. Et Dieu savait que ce feu là, il le maîtrisait à grand’peine. Cherchait-il d’ailleurs à l’éteindre ? Non, c’était l’essence même de ses projets de vengeance, qui irriguait tout son être d’une volonté à tout épreuve.
14.02.17 13:22
Caoimhe C. Perkins
Caoimhe C. Perkins



    Le venin acide et cramoisi qu'elle a ainsi expectoré tout droit depuis son cœur jusqu'au visage de l'inquisiteur semble avoir fait son effet ; pas celui escompté, certes, mais après tout, quelle réaction prévoyait la jeune vipère de bourgeoise de la part du trouble-fête venu la déranger dans sa quiétude ? Oh, sans doute quelque chose à son image, de son rang, un sifflement de cracheur.

    C'est certainement parce que je suis beaucoup trop polie avec vous, monsieur Vail. Réplique-t-elle alors dans un sourire levé finement, laissant toutes les flammes que contiennent son corps s'échapper par ses yeux.

    Au-delà de ne pouvoir supporter la présence de cet être abjecte qui lui provoque des nausées de femme enceinte, Caoimhe déteste tout ce qui émane de lui. Tout ce qui sort de sa bouche, comparable au liquide noir s'échappant d'un soigné des maux de vie à l'arsenic - et sans aucun doute que ses mots ont les mêmes propriétés meurtrières, fait se dresser son épiderme dans des frissons de haine incontrôlés. Comment peut-il décemment rôder autour d'elle comme ça, comme un charognard qui n'attend que le bon moment pour plonger en piquet sur la carcasse gisante qu'il harponne avec ses yeux depuis bien trop longtemps, suffisamment pour saliver rien qu'à l'idée de pouvoir se repaître de chaire putréfiée, chaire meurtrie à l'image de son âme, si tant est qu'il en ait une.
    Le plus étonnant, c'est comme il la considère, et comme elle le ressent. Elle sait bien que leur joute verbale sera compromise à un moment ou à un autre à cause du comportement de la bourgeoise qui fera sortir l'inquisiteur de ses gonds. Elle joue avec le feu, et en ça, elle semble pouvoir palper du bout des doigts... Une pointe de respect ? Comme à un rival. C'est étrange. Caoimhe est à peine partagée à l'égard de cet homme ; mais il semble quand même le ressentir. Oh, tant de pulsions malsaines émanent de cet individu. Heureusement que la jeune Cherry vit avec un père respectueux et sain d'esprit, et un servant ma foi réfléchi et avenant. Pas comme celui-ci, servant de Dieu, Dieu qui ne sait même plus son nom tant il est perdu au milieu des horreurs que commettent ses fils au nom de l'ignorance.

    Vous marchez sur un croyant. Déclare-t-elle finalement, hochant la tête vers la tombe d'Ernest ; mais elle est rabrouée aussitôt par la voix de l'inquisiteur. Elle souhaite juste qu'il s'en aille et la laisse en paix. Mais non, il faut encore à cet énergumène de jouer aux chaperons, presque au geôlier. Il veut la raccompagner ? Elle le toise un instant, lèvres closes, yeux entrouverts. Ses petits sourcils blonds et fins froncés sur son visage ; elle le juge un instant, pèse le pour et le contre. Devrait-elle cracher encore et le rabrouer à son tour ? Ou simplement lui obéir pour ne pas envenimer les choses ? Oh, elles sont bien atteintes, les choses, nourries à l'arsenic et au tue-mouche à chaque conversation. Comme une nouvelle morsure de la part de chacun. Les desseins de l'homme à son égard lui jettent au visage qu'il faut qu'elle se tienne loin de lui et qu'elle l'évite le plus possible.

    Ne vous donnez pas cette peine. Mon père enverra sûrement un de nos servants me chercher aussitôt aura-t-il remarqué mon absence. Si je ne suis pas revenue avant. Elle fait quelques pas dans la direction de l'homme. Mais ma compagnie semble ne pas vous déplaire pour vouloir ainsi marcher à mes côtés jusqu'à la demeure de mon père ; suis-je suffisamment sans coeur pour vous laisser ainsi seul et vous priver de ma présence ? Tout, absolument tout dans sa voix et son attitude alors qu'elle rejoint les côtés d'Alphaeus, transpire de la mesquinerie et de la moquerie. Elle pourrait être actrice tant sa sournoise innocence est convaincante.
10.03.17 1:44
Alphaeus Vail
Alphaeus Vail
LA MAIN DE DIEU
Et les braises crépitantes de sa hargne de rougeoyer à chacune des dédaigneuses répliques de la gamine, comme elle soufflait avec indécence des mots d’irrespect sans considération aucune pour les deux décennies qui les séparaient. Du haut de sa volcanique jeunesse - c’est à dire pas bien haut -, elle croyait voir et savoir le monde, sans comprendre qu’en vérité elle n’était rien qu’une geignarde à la répartie un peu plus vive que les péquenauds. A n’en point douter, elle devait se considérer reine de son microcosme ploutocrate et lorgner de son trône ceux qu’elle jugeait avec tant de condescendance, ses royals sujets qui n’étaient autre que les quelques larbins que son géniteur avait bien voulu lui offrir, comme on donne des jouets à une enfant capricieuse pour qu’elle cesse de nous casser les oreilles. Apparemment, cela avait été un échec, puisqu’elle continuait de piailler à tout bout de champ.

Antan, il se souvenait avoir désiré fonder une famille. Toutefois, si aujourd’hui il avait retrouvé un semblant de passion auprès d’Amberley, ses rêves d’hier avaient été enterrés avec Felicity. Il ne s’autorisait pas à accomplir avec quiconque ce qu’il avait souhaité accomplir alors, car il considérait comme trahison toute forme de joie sans celle qui avait été sa première femme. Qu’Amberley s’en contente ou non, il ne s’en souciait guère. Finalement, s’il avait été plus lucide, il aurait constaté qu’il était d’un narcissisme équivalent à celui de Cherry. Mais la lucidité, la clairvoyance, c’était bon pour les apôtres.  Lui, ce qu’il désirait plus que tout, c’était du feu, un bûcher de grande envergure, des flammes d’un spectacle à couper le souffle. Et pour parfaire à ce paysage paradisiaque, pour exacerber ce bonheur visuel, il y aurait les cris stridents des sorcières, hurlant leur douleur, un son si beau qu’il en pleurerait presque de joie. Et enfin l’odeur, cette fragrance tenace de chair brûlé que sèmerait le vent à quatre coins du village, comme une olfactive menace qui rappellerait aux créatures cachées que la main de Dieu opère sans relâche. Là, il serait satisfait, accompli.

Alphaeus, d’un sourire à l’image de ses pensées, rétorqua : « Sa majesté est trop bonne de bien vouloir me tenir compagnie. » Puis, sans plus de détours. « Je ne vois personne ici. Ton père m’a l’air bien peu soucieux de te savoir en sécurité ou non, ou de se préoccuper de ta vertu. Je vais te raccompagner, fusse t-il te traîner par les cheveux si tu ne te montres pas coopérative. » Il lui adressa un rictus qui l'invitait justement à s’y opposer, pour qu’il ait le plaisir d’accomplir ses menaces. Elle s’approchait de lui, et il en fut ravi. Il contourna la sale peste et passa dans son dos, puis, d’une poussette légère mais suffisamment forte pour la faire trébucher en avant, il amorça l’escorte. « Allez, en route. »
17.03.17 14:20
Caoimhe C. Perkins
Caoimhe C. Perkins



    Il est vil, l'inquisiteur, il est cruel l'homme ; il la prend de haut, elle, être inférieur à ses yeux fourvoyés et encrassés comme le conduit d'une cheminée par le feu brûlant en son âme, être féminin et fragile qui n'aurait droit d'ouvrir la bouche que pour avaler ce qu'on lui tend. Ne jamais protester, ne jamais lever la voix, faire ce qu'on attend de toi, reste là, calme et sereine.

    Sa haine la ronge, la dévore ; sa rancune l'englobe comme des ténèbres avares qui cherchent à l'engloutir tout entière, ne faire qu'un avec elle pour lui donner plus de pouvoir, plus de raisons d'agir, de mal agir. Ou de prouver que c'est elle qui a raison. Elle qui juge bon, elle qui porte ses convictions avec hargne et ferveur, elle qui se bat contre les dictates imposés par le monde entier, elle qui porte le plus lourd poids sur ses épaules et qui est prête à le soulever pour le lancer avec le peu de force qu'il lui restera de son combat dans le cratère d'un volcan, tout faire brûler, faire pâlir ceux qui ne l'en croyaient pas capable, ceux qui lui ont craché sur les bottes, ceux qui ont giflé son visage aux expressions de haine et de colère trop exprimées pour la faire taire, ceux qui l'auront mutilée pour qu'elle cesse de piailler, d'ouvrir la bouche sans qu'on le lui ait demander, de tout remettre en question, de s'affranchir de toutes ces oppressions qu'elle subit sans arrêt... Ceux qui l'auront poussé dans la neige.

    Elle trébuche, glissant dans la neige glacée. Son genou lui fait mal, et son épaule aussi ; mais il est hors de question d'en dire quoi que ce soit, de chouiner comme un enfant. Elle se relève, aussi dignement qu'elle le peut, dégage la neige sur sa robe, vaguement, n'ayant cure de ce l'humidité pourrait bien lui faire. Ce n'est pas Alphaeus qui décide quand elle avance, ce sera elle. Alors elle lui jette un regard en coin, par dessus son épaule, ses lèvres rouges carmin et ses joues rosées et ses prunelles brunes ajoutant l'aspect porcelaine de son caractère. C'est une matière fragile, la porcelaine, plus riche que la faïence, et ça brise vite. Vail serait surpris de découvrir ce qu'il y a en dessous. Elle étire ses lèvres légèrement vers le haut, au pas, jouant avec quelques mèches de ses cheveux blonds et ondulés.

    Sa majesté est ravie de faire ce chemin avec vous, Monsieur Vail, vous pouvez en être fier et reconnaissant. Il veut jouer ? Ils vont jouer. Elle se glisse dans son rôle comme une souris dans son terrier, reste bien planquée au fond. Êtes vous mon chaperon, ou mon geôlier ? Un nouveau regarde en coin, à l'inquisiteur dans son dos, elle laisse échapper un gloussement. J'ai l'impression d'être accompagnée à la potence et non-pas à ma demeure. Quels sont les chefs d'accusation ?

    Le risque est grand. Elle le sait.
28.04.17 20:07
Alphaeus Vail
Alphaeus Vail
LA MAIN DE DIEU
Elle tomba, la gamine.
Elle trébucha vulgairement après qu’il l'eût poussée, puis s’étala à quatre pattes dans le duvet neigeux, sans un bruit ; sans l’ombre d’un râle, sans une pointe de douleur. Un silence approprié, un tableau parfait. Il l’imaginait peiner à conserver une allure fière, à étrangler ses pleurs et refouler ses larmes. Alphaeus eut un sourire satisfait, presque heureux. Il réprima un rire naissant tandis qu’elle s’échinait à se relever dignement. La seule chose qu’il regrettait, c’était de ne pas voir son air effronté se briser ; de ne pas lire l’affolement dans ses yeux ingénus chargés de dédain. Elle avait beau se montrer plus fière qu’un pou, personne ne s’y trompait : elle était chétive, faiblarde, si risible lorsqu’elle montrait les crocs. Alphaeus, toute colère l’avait abandonné. Ne restait plus qu’un humour amer, un sadisme froid, calculé.

Leurs regards se croisèrent lorsqu’elle se redressa, une lueur de défi dans ses prunelles chocolat à laquelle il répondit par un air moqueur, ne boudant pas son plaisir. Pour un peu, il l’aurait poussée à nouveau juste pour la voir se vautrer dans la neige encore, juste pour voir son corps aussi frêle qu’un fétu de paille perdre l’équilibre et se rattraper de façon drôlesque; il était persuadé qu’il n’aurait pu s’en lasser, même en y passant la journée entière. Quoi qu’il en soit il ne le fit pas, parce qu’il aurait détesté l’entendre geindre. Il la préférait ainsi : insolente, impérieuse, quand bien même ça ne l’impressionnait point.

Sa majesté est ravie de faire ce chemin avec vous, Monsieur Vail, vous pouvez en être fier et reconnaissant. Êtes vous mon chaperon, ou mon geôlier ? J'ai l'impression d'être accompagnée à la potence et non-pas à ma demeure. Quels sont les chefs d'accusation ? Elle gloussa, lui jetant un regard en coin pour voir sa réaction.
Elle manquait pas d’air, la gamine, pour s’octroyer le luxe d’ironiser à nouveau. Il cligna des yeux un moment, accusant le coup de sa réplique, car il ne la pensait pas rattaquer si vite de front. Était-elle suicidaire ? Cette fois-ci, il  eut un rire fade, faux. Finalement, elle et sa voix geignarde lui avaient vite fait passer toute envie de rire. Il posa une main sur son dos et exerça une pression légère, juste suffisante pour qu’elle la sente à travers l’épaisse fourrure de son vêtement. Il n’était pas question de la voir s’effondrer ici ; juste de lui rappeler qu’il avait l’ascendant physique et moral.
Avance. Sa voix claqua dans l’air frais, sévère, ne souffrant d’aucune contestation. Tandis qu’il marqua un silence, ils se mirent à avancer lentement. Les plus fieffés inquisiteurs seraient d’avis que, entre ne pas respecter les préceptes et les moeurs que nous inculque notre Père à tous et se vouer à des rites païens, il n’existe qu’un pas. Mais moi, je ne suis qu’un mercenaire de l’inquisition. Une pièce rapportée… n’est-ce pas ? Il la força à se retourner, et lui lança un regard ambigu dans lequel on ne pouvait discerner s’il prenait sa défense - en quelque sorte - ou non. Un sourire malsain éclaira son visage blafard. Là où d’autres t’auraient déjà fait brûler, moi je te laisse le bénéfice du doute. Il déplia son index et vint toucher le bout de son nez, comme on joue avec sa nièce préférée. Il la détestait. Il se détourna d’elle et repris la route, l’invitant à le suivre. Et puis... lança t-il innocemment, accuser sans preuves une bourgeoise ? Non! Le village serait en colère. Je peux bien faire cramer des innocents, tant qu’ils sont pauvres. Mais les riches ? Aah… remercie ton père d’être vivante! Sans son trésor, certains t’auraient déjà rôti ! Il rit de bon coeur, satisfait de sa plaisanterie. Mais derrière un ton délibérément léger couvaient ses avertissements.
Sois prudente, semblait-il dire. Sois prudente ou je te tue.
20.06.17 10:34
Caoimhe C. Perkins
Caoimhe C. Perkins




    Il la pousse encore, et bien que l'envie de résister soit forte, Cherry se laisse porter par la main dans son dos. À peine elle presse le pas, l'ordre claque à ses oreilles. Avancer, elle ne fait que ça, Monsieur Vail. La litanie reprend, le père, le respect, les mœurs ; des mots qui sonnent toujours creux et qui résonnent tant ils sont usés et abusés pour tout, pour rien, pour les justifications, pour les condamnations. Caoimhe les a entendus toute sa vie sans jamais vraiment leur trouver un autre sens, plus valeureux, que celui qu'on leur accorde. Bien triste fin pour des mots.
    L'inquisiteur est rustre, moqueur, vil, fourbe. Un serpent, rien d'autre. Un serpent de feu qui jaillit hors des braises d'un bûcher pour déposer sa cendre sur la poudreuse immaculée. Qui la fait fondre, qui la fait se mélanger au sang qui suit sa traînée d'asphalte. Sa poigne, morsure de serpent, la retourne, plante ses yeux de Meduse dans ses prunelles brunes, pétrifie l'espace d'un instant son corps frêle et froid qui subit les affronts de l'hiver. Elle soutient. Elle tient. Elle est tenace. Il est serpent, mais c'est une créature qu'elle n'a jamais craint. Jamais.

    Pourtant, il est déstabilisant. Pourtant il lui fait croire, soit-disant. Pourtant il ment. Pourtant, elle plisse les yeux, déglutit lentement, silencieusement. Elle le déteste. Et ce touché chaud sur le bout son nez en trompette la fait reculer de dégoût. Elle peut supporter qu'il la pousse. Qu'il la frappe, même, peut-être. Qu'il se montre violent. Mais pas qu'il la touche, bêtement et simplement. Elle se retient de lui mordre le doigt comme un enfant sauvage. Comme un enfant mal éduqué. Ce qu'elle n'est pas. Alors elle lui emboîte le pas, silencieusement. Rien de plus à dire ; il a raison sur toute la ligne. Si elle est vivante, c'est grâce à son père, à leur fortune, mais aussi aux contacts qu'elle entretien avec la population de Warwick Bay. Dieu, si elle peut se permettre de s'en remettre à lui au moins pour cette fois, n'a pas encore décidé qu'elle devait quitter cette terre. Il ne compte pas la punir tout de suite ; alors elle compte en profiter encore un peu.

    Ce chemin-ci est plus court, Monsieur Vail.

    Elle s'est immobilisée alors qu'ils arrivent près de maisons. Passer par le centre de la colonie ne sera pas foncièrement plus rapide pour regagner son foyer, mais lui donnera au moins l'occasion d'être vue en présence de l'inquisiteur, éventuellement de retrouver son père dans la foule qui sortent encore de l'église, et surtout de ne plus se retrouver seule avec lui. Les mots utilisés plus tôt se répercutent encore dans son esprit : elle se sent encore moins en sécurité qu'avant.

    Du regard, elle cherche l'approbation de l'inquisiteur. Elle ne veut pas continuer le chemin seule avec lui, pas dans la neige. Elle veut simplement rentrer, lui cracher dessus auprès d'Elizabeth pour faire taire sa frustration et sa colère. Mais c'est lui qui mène la danse, lui qui décide.

    Bien que rien ne l'empêche de protester.
18.07.17 0:41
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